Le Congolais Didier nous raconte comment il a fui la RDC, pourquoi il a demandé l’asile en Russie, et ce qu’il pense de l’avenir.
Quand es-tu arrivé en Russie, et pourquoi ?
Ça fait déjà 4 ans que je suis en Russie. J’ai fui à Moscou en avril 2015 depuis la République Démocratique du Congo, à cause de la situation politique dans le pays. En 2015 le président de la RDC, Joseph Kabila, a fait adopter une loi sur les élections pour pouvoir rester au pouvoir pour un troisième mandat. A ce moment-là, en signe de protestation, de nombreux jeunes sont descendus dans la rue.
Toi-même, tu as participé aux manifestations ?
Bien sûr. Parmi les manifestants il y avait des étudiants qui s’opposaient au système, mais aussi des casseurs qui profitaient de la situation instable à Kinshasa. Ils dévalisaient des magasins, brûlaient des voitures, jetaient des pierres aux policiers. En réponse, l’armée tirait sur les manifestants. Ça s’est passé dans le quartier où j’habitais avec ma famille, et ça a duré une semaine.
Qu’est-ce que tu faisais à l’époque ?
J’étais étudiant en psychologie à l’Université de Kinshasa. J’étais en deuxième année. Quand les manifestations ont commencé dans la capitale, c’était la période des examens dans les universités. Des policiers et des agents des services de sécurité ont commencé à faire des perquisitions dans les maisons. Beaucoup de jeunes hommes ont été arrêtés sans raison.
Ils cherchaient ceux qui participaient aux manifestations ?
Oui, surtout les étudiants. Je ne pouvais pas aller à l’université passer mes examens, parce que là-bas aussi il y avait des policiers en civil qui cherchaient des opposants. Ils venaient chercher les étudiants jusque dans les amphithéâtres pendant les cours. Mes parents ont commencé à s’inquiéter pour moi, ils m’ont envoyé chez ma tante dans un autre quartier de Kinshasa. J’ai passé des journées entières chez elle, à ne pas pouvoir sortir à cause de la police. Les autorités ont bloqué l’accès à internet pendant un mois. Ma mère pleurait en entendant des histoires de jeunes qui avaient disparu. Les policiers entraient dans les maisons, emmenaient des étudiants, et leurs proches perdaient le contact avec eux. Encore aujourd’hui, beaucoup de gens n’ont toujours pas retrouvé la trace de leurs proches qui ont été arrêtés. Mes parents ont décidé que je devais partir à l’étranger, parce que j’étais en danger au Congo.
Pourquoi tu as décidé de fuir en Russie ?
Je ne savais pas que j’allais en Russie. Ce sont des gens de ma famille qui se sont occupés de mes papiers. Un jour mon oncle est rentré à la maison avec mon passeport et un visa russe. Je ne savais même pas ce que c’était comme pays, la Russie. On m’a emmené à l’aéroport de nuit, et j’ai atterri à Moscou le premier avril. Des connaissances de ma tante qui vivaient à Moscou sont venus me chercher à l’aéroport, et j’ai vécu avec eux pendant trois mois, mais ensuite j’ai déménagé. Ma tante m’a conseillé de trouver une organisation à Moscou qui aide les gens comme moi, les réfugiés. Je ne savais rien à l’époque, je ne connaissais même pas la langue. Des connaissances m’ont parlé du comité « Assistance civile », et depuis deux ans je viens ici pour apprendre le russe.
Qu’est-ce que tu penses de la Russie ? Quels projets as-tu pour l’avenir ?
J’aime bien la Russie, mais ma patrie, ça reste le Congo. Je veux y retourner, terminer mes études et avoir un métier. J’ai d’abord obtenu l’asile temporaire, puis ils l’ont prolongé plusieurs fois pour 1 – 3 mois. C’est très dur d’être réfugié en Russie. Je suis très fatigué. Même les Russes eux-mêmes vivent comme des réfugiés ici. Quelquefois, quand un Russe me parle de sa vie, je me demande : c’est un Russe, ou un Africain, comme moi ? Et non, c’est un Russe, mais il vit comme un réfugié. Quand j’entends ce type d’histoires, j’ai peur.